Face au Cavigal, un 3° Quart-Temps fécal et létal

‌Quelle sensation étrange que celle de cet après-match…
C’était le retour du derby niçois, 3.458ème du nom, en ce samedi 10 novembre 2018, salle Sainte-Hélène… Rendez-vous était donné dans le chaudron de nos hôtes, l’aire des aiglonnes, pour une nouvelle bataille municipale.
En ligne de mire, d’un côté, l’envie de renverser une certaine domination et, de l’autre, le désir de maintenir une hégémonie de quartier.
Couteaux affutés, supporters préparés, armes huilées, le sentier de la guerre était emprunté et embouteillé, il y avait comme de l’électricité dans l’air. Le sang allait-il couler ? Il faudra sûrement attendre que les filles passent en seniors pour ça…
Bref, en un mot comme en cent, une bataille féroce se préparait avec comme base irrationnelle une argumentation plutôt superficielle et une idée de combat entretenue par on ne sait quelle source magique. Au fond de moi, je dois bien l’avouer, le pacifiste souffrait…

Pour ma part, je conçois le sport de façon particulière, précise, en favorisant avant tout l’échange et les rencontres humaines, à l’opposé de luttes acharnées bien souvent stériles. Ce qui n’empêche en rien de se donner à fond sur chaque action, d’imposer de l’intensité, de l’agressivité, mais toujours dans le respect de l’autre car en fait, la seule chose qui importe réellement, c’est de se dépasser soi, pas terrasser l’autre.

La catégorie U15 est déterminante quant à l’avenir des basketteurs en herbe car c’est un âge durant lequel on sait si on va tenter d’embrasser une carrière de plus ou moins haut-niveau par le biais des centres de formation. Sinon, on va évoluer vers des championnats moins relevés comme ceux des U18 PACA. On se dirige alors vers une forme de sport plus amateur et qui doit être basé sur de la compétitivité certes, mais avant tout sur la notion de plaisir.
Ainsi les formateurs oublient parfois que leur mission est aussi de former les futurs adultes responsables de notre société plutôt qu’essayer de ne sortir que des joueurs ou joueuses pour une supposée élite.

Et de facto, il me semble important de définir des notions précises de respect de l’autre, et surtout de dédramatiser des matches qui ne revêtent somme toute que peu d’enjeu… Et pourtant, l’âge avançant, nos jeunes pousses se révèlent sous des caractères différents, surprenants, inquiétants parfois.

Dans le cadre extra-sportif de ce match, certaines filles des 2 camps ont passé des moments communs que j’imaginais quasi inoubliables quand elles étaient plus jeunes, mais peut-être n’est-ce que ma vision édulcorée d’adulte ? Il me semble n’en rien rester une poignée d’années plus tard.
Ça me rend un peu morose, victime de l’ironie du temps qui passe, et ça me pousse parfois vers les rivages d’une nostalgie un peu douloureuse. Nos filles grandissent, on veut croire en leur capacité à faire évoluer le monde qu’on leur laisse, leur donner les possibilités de ne pas reconduire certaines erreurs devenues ataviques, mais… nous sommes rattrapés par un derby… Un derby qui a certainement autant de raisons d’exister qu’un PSG-OM qui ne répond qu’à des considérations mercantiles et marketing un peu vaines, un peu viles.

Ma foi, je me sens un peu seul avec cette vision peut-être un peu naïve et si je devais former un parti avec ceux qui ont la même philosophie que moi, j’aurais sûrement peu de partisans. Ce serait un parti intime.

C’est amusant que ces pensées m’assaillent alors que nous sommes la veille de l’Armistice et qu’au lieu de parler de paix, on se concentre sur les exactions, réelles, du Maréchal Pétain ou de la future folie du mouvement des gilets jaunes. Il ne faut rien oublier, non, mais il est important aussi de savoir se concentrer sur les bonnes choses au bon moment. De toute façon, si j’osais, durant cette partie, nous allions finir par collaborer avec nos ennemies du jour pour leur offrir de quoi remporter la victoire.

Bref, mes considérations de comptoir n’ont que peu d’intérêt mais je les consigne ici, dans ce qui représente une forme de journal de bord que je feuillèterai à mes vieux jours, histoire de me rappeler comment c’était avant, quand j’en serai réduit à radoter, ce que je fais déjà un peu mais avec encore un peu de pétulance.

Comment allions-nous débuter ce match après une préparation tronquée dans la semaine ?
La réponse n’allait pas tarder à venir.
Notre équipe était composée de 8 filles, et nous avions le plaisir d’enregistrer le retour de Romane sur le terrain. Le rythme reviendra petit à petit, mais ça fait plaisir de la revoir apte à disputer un morceau de match. Dans le rayon des inquiétudes se trouvait Hana. Souffrant d’un douloureux torticolis contracté la veille, elle avait de la peine à se mouvoir et surtout à tourner la tête. Nous fêtions ce jour l’anniversaire de Mikhaïl Kalachnikov qui, s’il n’était pas mort, aurait eu 94 ans. La nôtre de Kalachnikov serait donc enrayée par la faute de ce cou tout raide.
Enfin, pour Amélie, c’était l’occasion de retrouver ses anciennes partenaires et les affronter pour la première fois depuis son départ. Nous savons ce que représente cette situation pour les joueuses. Ce n’est jamais évident, mais elle allait devoir passer par le sacrifice humain que demande ce rituel.

Elle allait d’ailleurs démarrer le match aux côtés de Zoé, Chiara, Thiziri et Hayam.

Dès le début de la rencontre, le rythme et l’intensité étaient élevés. Dans ce combat, facile d’identifier nos ennemies du jour, c’était aussi évident que lorsque les candidats de télé-réalité croisent un Bescherelles.
Il aura fallu de longues minutes avant de voir le score évoluer.
Si les 2 lancers-francs de Thiziri nous permettaient de mener 2-0, une absence en défense permettait à Rania de planter un tir à 3 points.
L’autre arrière niçoise, toujours vigoureuse et engagée dans sa défense se chargeait de contrôler Zoé mais les changements de rythme de notre Zébulon restaient difficiles à contenir. Il fallait parfois avoir recours aux gestes techniques du foot pour y arriver à l’image de ce tacle en milieu de quart-temps.
Emilie était remuante elle aussi et Zoé commettait sa première faute du match sur elle, offrant ainsi au Cavigal 2 lancers convertis. La même Emilie trouvait la mire à 3 points sur une erreur d’inattention de notre défense, la seule de la période.
Globalement, il est juste de dire que notre organisation défensive était efficace, concentrée, intense, et nos adversaires avaient du mal à s’en dépêtrer.
Mais de l’autre côté, nous pêchions sur l’efficacité offensive, avec pourtant de multiples occasions. Nous terminions le quart-temps avec un maigre 2/15 aux shoots et sur le score de 8 à 7 en faveur du Cavigal. Une fois encore, un peu d’application aux 2 bouts du terrain nous aurait permis de mener de 6 ou 7 points.
Mais au moins étions-nous dans la partie.

Le deuxième round débutait et l’intensité restait la même. D’un point de vue purement physique, c’était très intéressant. Techniquement, il y a toujours des failles, mais ce sont des jeunes joueuses, notamment les nôtres qui sont principalement des premières années.
Zoé se défaisait de la presse mise en place par Karen, la coach adverse, mais sur une pénétration, Flavie touchait involontairement sa malléole qui devenait bleue et handicapait notre bondissante meneuse.
Le score était de 10 à 9 pour le Cavigal, le bras de fer continuait.
Romane avait fait son entrée et pesait sur le jeu en verrouillant efficacement la partie intérieure de notre raquette. Nombreuses furent nos adversaires qui se cassèrent les dents sur la tentaculaire posture de notre grande.
Mais les effets de la fatigue se faisaient déjà sentir, notamment chez Zoé, occupée à passer une presse de 2 à 3 joueuses en dribble à cause d’un certain immobilisme de nos U18. On peut passer quelques fois une presse balle en main mais on y laisse beaucoup de gomme, c’était le cas, déjà.
Ça ne l’empêchait pas de trouver des solutions pour Hayam et Chiara qui marquaient des paniers précieux sur contre-attaque pour figurer à 18 partout.
Quelques loupés en fin de période étaient regrettables encore mais difficile de reprocher aux filles leur engagement. Leur défense était dure, forte, inébranlable comme on dit chez Marc Dorcel quand se présente un acteur à micro-pénis.
Score de parité pour ce deuxième quart-temps à 13-13 et à la mi-temps, nous comptions toujours un point de retard à 21-20 en faveur des aiglonnes.

Cette mi-temps arrivait à point nommé pour calmer des esprits qui commençaient à s’échauffer, inutilement, et venaient souligner l’amplitude de mon introduction sur les rivalités sans fondement concret… Pourquoi dans une équipe on chambre, dans l’autre on s’énerve ? Pourquoi tombons-nous dans le jeu des invectives ? Dans les deux camps ? C’est étrange parfois cette volonté de rendre les choses inutilement tendues et de voir apparaître les prémices d’une certaine violence…
Bref, si ce retour au vestiaire était aussi excitant que le quotidien d’Afida Turner, il allait permettre de recadrer certaines choses chez nos joueuses les plus ardentes.

Une mauvaise surprise nous attendait au retour sur le terrain… Les arbitres avaient pris du retard sur les matches précédents et avaient décidé de raccourcir la pause pour enchaîner. Si on peut le comprendre, il aurait été bon d’être consultés et informés. Car de fait, nos filles avaient eu le repos qu’il convient, mais n’eurent pas la possibilité de se remettre en route et de réactiver leurs jambes, ce qui allait considérablement les mettre en difficulté en ce début de troisième quart-temps.

Un peu courte, Thiziri commettait une faute, puis nous étions inattentives sur un passe et va de nos hôtes et enfin, sur une interception niçoise, Chiara se voyait sanctionnée d’une intentionnelle. Avec un peu d’apathie en défense, nous pointions désormais à 6 longueurs derrière le Cavigal qui menait 26 à 20. Ce premier petit écart, inoffensif en tant que tel, avait tout de même bousculé nos filles mentalement. Zoé sortait une paire de minutes se reposer lors du temps-mort de Geoffrey et l’équipe repartait.
Avec la sortie de Romane, le jeu intérieur s’en trouvait libéré et Elsa en profitait pour marquer 8 points cruciaux durant ce quart-temps. Pour nous achever, nous encaissions un tir à 3 point à 0° avec la planche de Jade… Horreur, Malheur, nous étions à 33-22, et ces 11 points allaient devenir un obstacle insurmontable pour nos filles, obligées de puiser dans des ressources qu’elles n’avaient pas ce jour.
Le Cavigal se mettait un peu plus en confiance forcément, reposait sa presse, on voyait qu’elles se libéraient peu à peu du carcan dans lequel nous les avions enfermées et s’enlevaient de nombreux doutes. Ce quart-temps allait voir un moment attendu depuis des mois, quand Romane gobait un rebond offensif qu’elle convertissait en panier marqué, pour entretenir l’espoir d’autres choses que la victoire dans le derby communal du jour.
Le reste de la période allait vraiment être difficile entre les invectives peu amènes des 2 équipes, les absences en défense qui permettaient à Rania d’inscrire un nouveau 3 points avec la planche, ou une série de fautes un peu litigieuses, le cocktail devenait Molotov.
Le match était devenu aussi chaud que la Centrale de Fessenheim quand on lui dit qu’il n’y a aucun incident à signaler.
Zoé rentrait un tir à 3 points sur le buzz pour maintenir l’Eveil à flot mais nous perdions ce quart-temps 22 à 9 et nous étions relégués à 14 points sur le score de 43 à 29.
Nous avions perdu le contrôle du match comme BHL a perdu celui d’Arielle Dombasle qui, depuis, est en roue libre.

La force défensive que nous avions déployée en première mi-temps avait disparu et il fallait retrouver un peu de basket sur le dernier quart-temps.
Une période qui démarrait mal car Flavie trouvait sa zone de confort et rentrait un tir à 3 points qui enfonçait nos joueuses. Laisser Flavie sur la ligne des 3 points sans surveillance, c’est encaisser un tir primé aisé, une évidence, comme si Jean-Pierre Bacri vous dit que vous avez l’air triste.
Encore un peu de flottement chez nos joueuses permettait aux cadettes du Cavigal de mener 48 à 29 et c’est à cet instant que nous assistions au troisième tacle du match sur Amélie cette fois. Une façon de célébrer leur ancienne coéquipière avec une coutume que j’ignorais jusqu’alors. Je précise éventuellement aux potentiels grincheux que cette pensée est un trait d’humour uniquement, on ne sait jamais.
Une grosse différence sur ce match aura été l’envie d’attraper les ballons au rebond, offensif ou défensif. Ces ballons chauds qui offrent de nouvelles possibilités en attaque, nos adversaires savaient aller les chercher. Avec parfois un autoritarisme un peu limite mais elles jouaient leurs coups à fond.
L’écart était creusé et peut-être la frustration était-elle la cause de ces esprits échauffés ?
Quoi qu’il en soit, une altercation entre l’arrière niçoise et Thiziri débutait, vite calmée par l’arbitre qui infligeait une technique à notre joueuse. Pour ma part, j’aurais plutôt partagé la faute technique sur les 2 joueuses pour calmer tout le monde, mais ce n’est que mon interprétation.
Petite erreur, grand effet, la partie se terminait de manière houleuse. Nous étions toujours à 15 points sur le score de 55 à 40 mais lors de la dernière attaque du Cavigal, Emilie glissait et perdait la balle au sol avec une position de marché. Dépitée mais souriante, elle envoyait le ballon au-dessus d’elle et Thiziri le recevait en plein visage…
Bon, il n’y avait rien de volontaire, et sûrement un « pardon, désolée » de la fille du bon Daniel aurait clos ce micro évènement, mais ça s’est évidemment mis à chauffer encore. En colère, Thiziri prenait une autre technique suite au clash qu’elle entretenait avec l’arbitre, attitude aussi absurde qu’entendre Edouard Balladur dire « Merci Jacquie et Michel ».
Enfin… Thiziri sortait pour 5 fautes et offrait 4 lancers à Emilie qui en inscrit 3 et récupérait la dernière possession de balle.
Nous perdions cette dernière période sur le score de 18 à 13 et le match 61 à 42.

19 points de retard qui ne reflètent pas vraiment la physionomie du match. Mais un comptable dirait que les chiffres du bilan priment. Ainsi la défaite reste lourde, même si elle a été le résultat de la convergence de plusieurs éléments.
Je ne vais d’ailleurs pas en tirer trop de conclusions, nous ne sommes de toute façon pas en mesure de fixer des objectifs uniquement basés sur les résultats. La découverte de l’univers U18 et l’apprentissage continuent. Et nos joueuses avaient montré de belles qualités.
Il y a pire qu’une défaite dans la vie, comme la malaria ou la chanson de Cyril Hanouna pour la Coupe du Monde de Foot.

Il faut savoir reconnaître qu’elle est la place qui est la nôtre et travailler sur le futur en développant les qualités de ces filles qui, parfois, les oublient. Elles ont un physique et un cœur qui leur permettent beaucoup de choses mais ne pas s’en rappeler relève du même procédé qui fait qu’aujourd’hui on ne se souvient pas que Michel Fourniret était un excellent menuisier, et plus personne ne se rappelle de ses boiseries.

Notre semaine d’entraînement a été inégale et le match représente assez bien ce qui en a été. Une mi-temps canon avec un engagement de tous les instants, et l’autre mi-temps avec les absences et flottements dont on peut parfois devenir coutumiers.
Malgré tout, la maturité des filles qui composent les effectifs des équipes de cette première phase est différente. Elles sont plus rompues à cet exercice et nos cadettes restent de jeunes filles à aguerrir. Tout prend du temps, il faut le leur laisser.

Dernier petit constat sur fond de nostalgie, les goûters. Les matches se disputent à des heures plus tardives en U18, et le concept de goûter n’est plus tout à fait le même, et ce ne sont pas encore des apéros. Mais je me remémore avec tendresse de ces instants quand elles étaient poussines ou benjamines. Elles sortaient d’un match déjà oublié, force de l’enfance, et se goinfraient de sucreries entassées dans des gobelets en plastique, venaient chercher du réconfort dans les bras parentaux, un câlin, un bisou, et on repartait pour d’autres entraînements, d’autres matches, d’autres rencontres…
Quand le basket n’était qu’un jeu, juste un jeu, et que comme tout jeu, son propos est l’amusement. Aujourd’hui il faut gagner, dominer, se classer, la compétition s’invite dans le sport amateur, avec ses plaisirs et ses dérives. Les filles sont en mutation, elles se dirigent plein vent vers l’aventure adulte et c’est aussi à nous de muter, d’accepter de voir nos bébés d’hier devenir des grandes jeunes filles qui ne se soucient plus guère des petits pots de chez Haribo, leurs douceurs deviennent d’autres préoccupations. Arf, nostalgie !

En tout cas c’était la fin de cet énième derby, retour à l’entraînement, au travail, redonner force, courage, travail, technique, user de toute la palette qui contient les couleurs chatoyantes de notre sport. Je sais que je les vois aujourd’hui un peu pastels, elles sont en vérité plus criardes, mais ça reste toujours une passion particulière que le basket !

Caroline Receveur fête ses 31 ans… Vous ne savez pas qui c’est ? C’est parce que vous êtes vieux, comme moi, place aux jeunes ahaha ! Voilà quelques photos de la rencontre quand même !

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