Ça a presque senti l’Ail de Roussi
Ce dimanche de fin de septembre était encore doux. La veille, notre NF1 avait infligé à Feytiat sa première défaite en 18 mois, avec brio, nos filles de la NF3 n’avaient donc plus qu’à suivre le même chemin.
Un chemin pas forcément aisé car Ail de Rousset n’est en rien une équipe facile à manœuvrer.
Ail de Rousset, un nom qui fleure bon la campagne, le terroir, un peu à l’image du Marly-Gomont cher à Kamini. Mais bucolisme mis à part, c’est aussi une équipe qui avait terminé l’exercice précédent à la quatrième place avant l’arrêt Covid.
Bien entendu, notre ouverture de championnat et notre victoire contre Carqueiranne, qui avait terminé leader de N3 la saison dernière, nous donnaient du courage et de l’espoir pour ce match, mais il fallait raison garder et entrer sérieusement dans la partie.
Didier était toujours privé de Nakim, Wera avait été sur le flanc toute la semaine à cause d’une angine blanche, et l’ensemble du groupe était un peu émoussé après la bataille homérique livrée dans le Var il y a 7 jours à peine.
Ail de Rousset est une équipe expérimentée, une façon diplomatique de ne pas aborder la question de leur âge. Mais les seniors de cette équipe étaient si nombreuses qu’elles représentaient un lobby puissant capable de passer un seul coup de fil pour voir Samuel Etienne venir présenter « Questions pour un Champion » du bord de notre terrain.
Pour le MBA, le coach envoyait sur le terrain Wera, Cindy, Sharon, Mélissa et Mahé.
Si nous perdions l’entre-deux, nous récupérions la balle et Sharon la passait à Wera qui convertissait un tir à 3 points.
Notre rythme était bon, Cindy et Mélissa portaient le score à 9-2. Puis Sharon à 11-5.
Les Roussetaines revenaient avec énergie dans la partie (11-9) mais Mélissa les contenait avec un tir longue distance(14-9).
Puis Cindy, servie une fois par Sharon, et une autre par Zoé, parachevait la partition offensive de ce quart-temps, nous menions 18-12.
Sharon lançait Zoé qui marquait, puis notre toute jeune joueuse tentait un tir à 3 points, gobait le rebond offensif et inscrivait main gauche en double-pas son deuxième panier consécutif.
Elle passait ensuite un ballon à Mahé qui scorait et venait de faire à ses adversaires ce que les groupes péruviens à flûte de Pan font à la musique : les détruire.
Le quart-temps se terminait, nous venions de le remporter 24-14.
Les Bucco-Rhodaniennes venaient de se faire dégager manu-militari, on aurait dit des zadistes à Notre-Dame des Landes.
A la reprise, pas question de faire de cadeaux, nous n’étions pas les Restos du Cœur, dont la création remonte à un 27 septembre de 1985.
Ainsi nos joueuses continuaient leur marche en avant, mais Didier souhaitait apporter quelques modifications au jeu, c’est pourquoi il prit un temps-mort.
Alexia procédait à la remise en jeu, elle servait intelligemment Wera, nous menions maintenant 32-16. Nos joueuses creusaient l’écart et avançaient plus vite que le Lance Armstrong de la grande époque en montagne, mais sans son seul testicule.
C’était au tour de Cathy de faire parler la foudre et d’accentuer notre avance pour la porter à 38-18, puis à 40-18. Avec 22 points d’avance, nos adversaires étaient bloquées dans un coin, recroquevillées, tel Raphaël Glucksman le soir des résultats aux élections européennes.
Les attaques venaient de toutes parts, Mélissa, Cindy, Zoé, c’était difficile d’endiguer la fougue de nos joueuses. Mélissa provoquait encore une faute avec sa grande vivacité. Elle avait tellement la patate que chez Flodor, ils l’appellent Votre Altesse.
Le coach provençal tentait un ultime temps-mort à 4 secondes du terme de la période, en vain.
Nous remportions ce deuxième quart-temps 24-10 et, à la mi-temps, nous avions 24 points d’avance sur le score de 48 à 24.
Le 27 septembre 1981, on lançait le premier TGV entre Paris et Lyon.
Le 27 septembre 2020, le TGV, c’était le MBA qui roulait sur Ail de Rousset.
Une première mi-temps magnifique, contrôlée, puissante et productive, pas grand-chose à dire aux filles. Mais je n’oublie pas non plus que c’est encore un 27 septembre, en 2005, que l’IRA fût désarmée, et la prudence étant mère de sûreté, il fallait continuer à jouer notre jeu pour maintenir nos adversaires loin derrière nous.
Et, bien entendu, ce que l’on ne voulait pas arriva… Nous encaissions un 8-0 qui forçait Didier à prendre un temps-mort urgent pour remettre de l’ordre dans la maison monégasque.
Mais, de façon inexorable, et avec une force et un courage admirables, les joueuses adverses pratiquaient un basket fait de Stakhanovisme à la Martin Fourcade. Elles piochaient, bataillaient, harcelaient, pilonnaient notre camp et elles revenaient à 51-45, puis 51-48, et enfin 51-50.
Le match était une telle boucherie que Laurence avait l’impression de filmer un Snuff-Movie.
Le coach contenait sa fureur, sa stupeur et sa déception, sûrement pour tout libérer chez lui en allant nu sur son balcon pour hurler à la pleine lune en pissant sur ses géraniums.
Sur un dernier tir à 3 points des Roussetaines, elles repassaient devant à 53-51.
L’incroyable venait de se réaliser, prouvant au passage la folie de ce sport qu’on aime tant, et notre fond de jeu avait été tellement en carton durant cette période que Didier songeait à jeter l’équipe dans la poubelle jaune.
Nous perdions le troisième quart-temps 29-3 ! Les seuls à ne pas avoir été gênés par cette période, c’était Amadou et Mariam.
Qu’avions-nous fait ? A quoi pouvaient bien se résumer nos dernières 10 minutes ?
Je vous fais un bref retour en vidéo.
Nous étions donc menés de 2 points maintenant, impensable. Le retour tonitruant de nos adversaires faisait aussi mal que s’empaler nu sur un sucre d’orge quand on est diabétique.
Et elles continuaient leur marche en avant en inscrivant un nouveau panier, portées par l’euphorie que peut procurer une telle période.
Il fallait reprendre le cours des évènements, et que quelqu’un fasse peur aux Bucco-Rhodaniennes, pas comme Joey Starr qui ne fait peur que dans les EHPAD. Et c’est Cindy qui s’y collait en plaçant un contre violent et en provoquant ensuite une faute pour revenir, aux lancers, à 55-53.
Puis, sur services de Mélissa et de Sharon, elle inscrivait de nouveaux points, nous étions repassés devant sur le score de 58 à 55 en notre faveur. Puis Mahé ajoutait son écot (60-55), avant réduction de la marque par Ail de Rousset sur longue distance, puis leur égalisation à 60 partout.
Cindy et Wera, coup sur coup, se voyaient infliger leur troisième faute et Ail de Rousset en profitait pour repasser devant (62-60) avant que Cindy ne remette les pendules à l’heure (62-62).
La bataille faisait rage dans la raquette, à l’image de ces 4 rebonds offensifs d’affilée captés par nos adversaires et, à 64 partout, nous étions tellement en sueur que des girolles nous poussaient entre les doigts de pieds.
Nous menions 66-64 après le panier de Mélissa quand il restait 1 minute et 43 secondes à jouer.
Ail de Rousset prenait un temps-mort. Le coach adverse était chaud comme la braise, si on lui posait une côtelette sur le front, on pouvait démarrer un barbecue.
Evidemment, le spectre d’une prolongation hantait nos esprits, surtout après le match contre Carqueiranne. Il fallait tenir, et les coaches prenaient temps-mort sur temps-mort, un à 29 secondes du terme, l’autre à 21 secondes après un problème avec le chrono.
Le stress était élevé et on avait extrêmement chaud mais ça ne faisait pas comme dans les clips de R’n’B quand Beyonce, qui transpire, a de petites perles de sueur qui lui coulent délicatement entre les fesses qu’elle secoue pour s’en débarrasser, aspergeant Jay-Z en suivant le même principe qu’une laitue qu’on égoutte.
Avec une remise en jeu effectuée dans notre camp, Sharon gardait la balle, et prenait un gros coup au passage, provoquant l’arrêt de l’arbitre pour ce que tout le monde percevait comme étant une anti-sportive.
Mais après de longs palabres du corps arbitral, il n’en était rien et cette décision, qui semblait un peu machiste, mériterait une cure d’Eddy de Pretto pour y remédier. Néanmoins, avec 5 fautes d’équipe, Sharon se présentait sur la ligne des lancers-francs. Avec du liquide antigel dans les veines, Neymarette inscrivait ses 2 tirs pour nous offrir 4 points d’avance bien salutaires à 4 secondes du terme de la partie.
On en serait bien resté là mais la meneuse adverse, en mode casse-croûte de compétition, balançait à 45° la balle, touchait le panneau, et inscrivait un tir improbable qui ramenait son équipe à 1 point de la nôtre, avec un peu de flottement à cet instant précis…
Nous empochions au courage le gain du dernier quart-temps à 17-14 et prenions la victoire sur le score de 67 à 68.
Cette écrasante et large victoire d’un point permet plusieurs points de vue.
Il y a les pessimistes, qui se diront que ce n’est pas passé loin et que l’on ne peut pas faire une saison entière à jouer de la sorte avec la limite, à moins de s’adjoindre les services d’un cardiologue.
Il y a les réalistes, qui prendront la victoire pour ce qu’elle est, teintée de lucidité et de sérénité dans le money-time.
Et il y a les optimistes, qui prennent la victoire, et qui se disent que, forcément, tous les matches ne pourront pas être aussi disputés.
Il faut dire que nous entamons le championnat contre Carqueiranne, Ail de Rousset et bientôt l’ASM, soit les premier, quatrième et deuxième du dernier exercice, alors que notre effectif n’est pas encore au complet. Personnellement, je vais opter pour l’optimisme et savourer ces 2 victoires de rang de nos belles joueuses.
Evidemment, on ne peut pas oublier l’incident du troisième quart-temps que Didier analysera avec les joueuses. Il est certain qu’ils travailleront à ce que ça ne se reproduise plus. En tout cas, on aime le basket pour les émotions qu’il procure, laissez-moi vous remercier <, Didier et les filles, pour ces 2 derniers matches !
Voilà quelques souvenirs du jour.