Les larmes de Saint Laurent
Voilà un titre qui pourrait faire penser au célèbre couturier qui aurait, dans notre cas, brodé le scénario d’un match ébouriffant.
Il pourrait aussi rappeler un vieux film en noir blanc et on s’apprêterait à entendre Humphrey Bogart nous sortir un « T’as d’beau jeu tu sais ?! », rendant hommage à la partie disputée ce samedi après-midi.
Mais la vérité est plus simple. Les Laurentines pouvaient effectivement essuyer des larmes en fin de match, elles étaient passées si près du hold-up. Nos Roquebrunoise ont fait régner leur loi à domicile, et elles ont gardé leurs nerfs jusqu’au bout pour parapher cette journée par leur 2° victoire de la saison, acquise sur le même score que la 1ère, 30 à 29.
Mais que ce fut stressant. Je me rappelle de ces années quand j’étais joueur, totalement hermétique à l’ambiance extérieure, puis de mes années de coach, passées loin de toute pression, et là, bon sang, assis dans les tribunes au milieu de parents exaltés et pris aux tripes par l’enjeu, mon cœur battait jusqu’à la quasi apoplexie !
Rendons hommage aux parents Laurentins qui, bramant tout comme nous, sont restés extrêmement fair-play, ça anoblit cette partie qui, restons sur terre, ne reste que du basket !
Revenons un peu dans les détails de ce match.
Pour des raisons domestico-disciplinaires que je ne vais pas approfondir ici, Zoé a failli ne pas le disputer. Si on ajoute à cela les absences cumulées d’autres filles, le groupe aurait été réduit à 7, difficile d’aborder le match le plus important de l’année dans ces conditions.
Par un miracle de diplomatie, une volonté farouche d’aider l’équipe, ce qui est l’essence même d’un sport collectif, et une envie monstrueuse d’aider les benjamines à emporter une victoire que nous aurions dû obtenir à l’aller, elle arrivait avec une demi-heure de retard dans la salle.
Une sorte de soulagement, puis la pression pouvait monter.
Sur les rambardes du chaudron local, nos petites adversaires du jour se laissaient aller à quelques commentaires peu amènes. « On va les taper ces bouffonnes ». Un vent d’esprit sportif soufflait donc en altitude, mais nous allions bien voir qui allait endosser le costume de celui qui fait rire à la fin.
Le match commençait avec Sannya, Romane, Carla, Estelle et Emilia qui continuait sur la lancée de son excellent match avec l’équipe 2.
Nos habituelles crispations de début de match faisaient leur apparition. Les mains parentales devenaient déjà moites, la goutte de sueur pointait le temps de voir les bleues mener 2-0.
Zoé entrait au gré du premier changement du match et enclencha le turbo qu’elle a dans chaque pied (un héritage de son papa hé hé !).
Après une action marquée avec 1 LF en plus et un 3 points dans la foulée, nous menions 6-2.
Les visages des supporters se décrispaient, faisaient place à l’étonnement (oui parce que faut dire que nous ne sommes pas habitués à mener au tableau d’affichage hein !), puis à de la satisfaction.
Du jeu, du jeu, du jeu, le ballon circulait, les passes arrivaient, ça marchait très bien, Ô joie !
Le premier quart temps se terminait sur un incroyable 12-2.
Ça fait bizarre de pouvoir respirer dans un match, mais parfois, l’excès d’oxygène fait tourner la tête, et le deuxième quart temps allait nous montrer que rien n’est jamais acquis et que la concentration, l’envie et la combativité doivent rester à la même intensité tout un match.
Malgré de belles phases de jeu et de belles transitions, la maladresse des filles pesait sur le score et nous mangions un 11-2 qui nous faisait aborder la mi-temps avec un petit point d’avance à 14-13.
Après un passage à la pharmacie pour approvisionner les parents Roquebrunois de Prozac et avoir mis de côté un défibrillateur portable, nous entamions le 3ème quart temps.
Une fois encore, les amateurs de montagnes russes ont dû adorer le jeu pratiqué pendant ces 8 minutes…
On score, on s’envole, on a 9 points d’avance et non, tel le sparadrap sur le pouce du Capitaine Haddock, les joueuses Laurentines se sont accrochées par tous les moyens, même les moins licites.
Il suffisait de voir le tableau des fautes de nos adversaires, cela clignotait tellement de partout qu’on se serait cru à Noël !
A tel point que 4 de leurs filles allaient finir à 4 fautes, mais l’arbitre hésitait à expulser l’une ou l’autre d’entre elles.
Poussées par des parents venus en nombre et aux vocalises plus prononcées, le match devenait irrespirable lors du dernier quart temps.
Et l’impensable allait se produire, alors qu’elles n’avaient mené qu’au tout début du match avec leur 2-0, les joueuses de Saint Laurent allaient combler les 4 points de retard qu’elles avaient, puis allaient égaliser, et nous passer devant de 2 points à moins de 2 minutes du terme.
Est-il nécessaire de décrire les nuances de couleurs par lesquelles les visages des parents sur place étaient passés ? Dois-je vous dire combien d’entre eux m’ont remercié d’avoir apporté mon défibrillateur portable ?
Dois-je narrer la mise en place d’une tente à oxygène nécessaire aux supporters étouffés par le poids de l’angoisse dans leurs poitrines serrées ?
Voilà ce qu’était ce dernier quart, une espèce de parfum d’enfer, une atmosphère lourde à couper à la hâche !
Mais c’est très égoïste de parler de nos petits soucis de fans transis alors que sur le terrain, les filles faisaient le nécessaire pour écoper l’eau qui prenait de toutes parts sur le bateau Roquebrunois !
Comment allaient-elles bien pouvoir surmonter cette épreuve psychologique qui se dessinait ?
Avec une ardeur et un courage que d’abord nous ne leur connaissions pas, et ensuite avec une démonstration de maturité surprenante pour des enfants de cet âge.
Ainsi sur la remise en jeu, Zoé allait chercher ce qui lui restait de gaz au fond de la chaussure droite et allait déposer son adversaire pour égaliser d’un double pas à gauche.
Le reste consistait à calmer tout ce petit monde dans la ruche du Valgelata et le combat en défense allait payer. Sannya obtenait une faute, ce qui sortait enfin pour 5 fautes une Laurentine et donnait 2 LF qui pesaient lourd dans la musette.
Zoé venait souffler 2 mots à Sannya pour la rassurer. Elle mit 1 lancer sur les 2, et nous donnait un si fragile avantage à une poignée de secondes du terme de la partie.
Sur un dernier ballon arraché par Romane, la voilà qui partait en contre-attaque, on ne pouvait pas lui reprocher ce manque de lucidité après un match intégralement disputé dans lequel elle usa beaucoup de forces, et elle allait finir pétrifiée par la sirène qui retentissait et signifiait la fin du match.
C’est peut-être un compte rendu épique mais ce coup de corne de brume sortait certains d’entre nous de leur torpeur, les yeux hagards ou incrédules, et en propulsait d’autres sur le terrain à zébulonner de joie et de plaisir !
C’est idiot n’est-ce pas mais il faut savoir saisir ces petits instants de grâce, ces infimes moments de plaisir pur, une joie qui explose après tant de tensions, après tant de défaites…
Emilia fondait en larmes, Carla se faisait entraîner, et les filles se tombaient dans les bras. Marine reprenait à son tour ses esprits et se laissait gagner par la grâce du moment. Les yeux un peu humides, et déjà focalisée sur le prochain match.
D’un point de vue personnel, je trouve important de souligner le travail effectué aux entraînements qui a payé. Oui, certains esprits chagrins pourraient dire que ce n’est qu’un point d’écart mais qui s’en soucie ? Ces filles valent plus, valent mieux, et nous ne sommes plus dernières.
Car aujourd’hui, si le costume est un peu différent de celui d’un bouffon, c’est bien Saint Laurent qui porte le bonnet d’âne de la ligue.
Il ne faut pas leur en vouloir, ça offre un bon mot à votre humble serviteur !
Mais ce petit groupe a opéré une action commando, conscient de la nécessité de se rassurer et de gagner un match qu’elles auraient pu se rendre plus facile tant notre collectif semblait au-dessus.
Rien n’est jamais acquis, j’y reviens. Mais l’esprit est important, se battre, comme pour un ballon au sol qu’il faut manger. Quel exemple !
Il y a encore une poignée de matches, nous aurions regardé la balle au sol pour en voir la couleur.
Samedi, les filles se sont toutes jetées dessus pour arracher le précieux sésame !
C’est une victoire acquise dans la douleur, mais aussi avec une certaine forme de force mentale qui doit être mise à profit sur le prochain match quand nous irons à La Seyne le 18 avril prochain.
En attendant, nos gladiatrices du jour peuvent être fières du combat qu’elles ont mené.
Des 5 du départ, après les apports de, dans l’ordre, Zoé, Chjara et Camille, toutes ont contribué à la victoire précieuse et l’ont célébrée dignement !
Je suis content d’avoir été là, d’avoir pu assister à ce maelstrom émotionnel, et d’entendre les hurlements de bonheur qui émanaient du vestiaire des filles ! La douche a été longue, comme la victoire l’a été à se dessiner, mais il n’est nul besoin de bouder son plaisir. Une victoire, c’est une victoire !
RHAAAAAAAAAAAAAAAA ! C’EST BON ! BRAVO LES FILLES !
BONUS…
Dans ce délire de fin de match, juste avant que Zoé n’égalise, il y a eu un court moment durant lequel j’ai pu, malheureusement pour l’assistance, faire apprécier mes qualités de Ténor en demandant à Monsieur l’arbitre de siffler un « porté » de balle qui me semblait d’une immense évidence.
Ce court échange passé sur quelques excès de décibels, bien que courtois, a été le théâtre d’un débat un peu technique avec lequel je ne voudrais pas épuiser votre patience mais, en gros, il m’a été rétorqué que « C’est le règlement ». Cela dit, un dribble au-dessus de l’épaule reste un dribble haut sanctionné par un « porté ».
Si je lui laisse volontiers la victoire de l’instant puisque l’intensité du moment était à son paroxysme, je me permets d’insister aujourd’hui, et comme j’aime bien étayer mes propos, je vous laisse la preuve par image… C’est le règlement ! ;o)
Je vous fait péter quelques photos au plus vite pour fêter l’évènement !…