Coup de fringale contre le Cavigal

Que l’accouchement fût long cette semaine. Ce fut probablement la faute à des contractions impromptues qui firent croire que c’était le moment. Puis non.
Il faut dire qu’un mélange de divers sentiments contradictoires avait un peu perturbé la naissance de cet article. Occupé à quelques urgences, je n’avais pas la tête à l’écriture, et puis revoir le match n’avait pas été un élément de motivation suffisamment fort pour m’y mettre derechef.
Ensuite aussi parce que le basket en lui-même était plus important en ce 15 décembre qu’un simple match. Selon la légende, c’est à cette date, mais en 1891, que James Naismith avait inventé le basketball au Canada et, pour ceux qui s’intéressent un peu à l’histoire de notre sport, s’était basé sur un certain nombre de valeurs aujourd’hui dévoyées bien évidemment.
Mais au-delà du basket, il y a la vie. Je vois bien les lecteurs au regard acéré qui se diront que j’enfonce des portes ouvertes et pourtant, c’est quand on y est confronté directement que ces notions prennent un sens.
Ainsi je souhaitais manifester ici ma tristesse d’avoir perdu une lectrice fidèle du Blog de Zette. Je n’en ferai pas de longues lignes ici, parce que ça relève de l’intime, mais je sais que la branche corse de notre équipe en fût extrêmement affectée et je souhaitais pour eux, pour Chiara, rendre hommage à Michèle avec en fond sonore cette chanson, “U pastore di Ghesoni”, qui me procure à chaque fois des frissons particuliers…

Il fallait, dans ces circonstances, revenir au match d’aujourd’hui, et composer avec tout le barnum habituel de ces rencontres sempiternellement tirées au couteau.
Parce que de nouveau, une tension palpable se faisait sentir avant le début de la partie. Certainement les effets classiques de ce derby insensé qui agite la ville de Nice une centaine de fois par an. Rien que sur ce blog, en 4 ans et après environ 130 articles postés, presque  10% d’entre-eux traitent de rencontres avec le Cavigal. Cette saison, on n’avait pas autant parlé de Nice que depuis le départ de Jacques Médecin pour l’Uruguay.
Bref, l’agitation, l’ambiance, l’électrisation, tout ca résonnait comme une petite ritournelle jouée par Charlie Oleg, c’était formidable.
Néanmoins, je continue de me poser toujours autant de questions sur le fondement même de ce derby dans le sens où pratiquement tous les parents se connaissent, tout autant que les joueuses d’ailleurs, ainsi que  les entraîneurs. Il n’existe aucune animosité particulière, je dirais même qu’il y a du respect entre les filles, tout comme de l’amitié existe entre de nombreux supporters.
Alors quoi ?
La domination du Cavigal a-t-elle déjà été contestée ces dernières années ? Bien évidemment que non. On assiste parfois à des matches serrés, l’illusion est assez bien entretenue, mais la vérité reste que les aiglonnes sont plus physiques, plus techniques, et plus tactiques. Ce qui fait qu’à la fin, au contraire du foot où on dit que c’est toujours les allemands qui gagnent, et bien là, c’est le Cavigal.
Les bons départs de notre équipe sont toujours vecteurs d’optimisme mais au moment de conclure, on fait une Surya Bonaly, on tombe, comme son 45ème anniversaire ce jour.
Les raisons sont elles autres ? Difficile de le savoir.
On entend tout et n’importe quoi dans la sphère virtuelle. La déformation est un mode de communication tout à fait courant, comme nombreuses sont les théories du complot, qui, par exemple, consistent à penser que la planète est contrôlée par des aliens franc-maçons en pleine bar-mitzvah de leur neveu, lequel est le fils caché d’Elvis qui n’est pas mort, mais il existe aussi des théories du complot absurdes.
Il se murmure donc des propos erronés, on voit poindre des antagonismes qui n’ont pas lieu d’exister et, surtout, on oublie que l’on parle d’enfants qui ont entre 15 et 17 ans…
Depuis toutes ces années, je m’applique à encourager la pratique du basket et la sportivité avant tout, puis à encourager chaque joueuse, chaque enfant donc, souligner leurs qualités, leur travail, leur progression, leurs besoins et manques aussi, mais toujours en respectant ce qu’elles sont : de jeunes filles qui prendront un jour notre place de parents. La transmission de valeurs me semble ainsi placée au-dessus de toute autre considération, et en particulier dans une société aussi abimée par de vieux réflexes ataviques.
Entre les 2 clubs niçois, il existe une grande différence de philosophie et cette dernière convient à chaque club, tout comme aux effectifs qui les composent. Nul ne prétend détenir la sagesse et la vérité absolue, mais chacun avance avec ses perspectives sur le socle que chaque club construit aux filles.
Enfin bref, nul besoin d’épiloguer infiniment sur ce sujet, d’abord parce que ce n’est pas le propos, ensuite parce que je pourrais noircir l’équivalent des pages de la Pléiade sur ces principes, ce qui ennuierait tout le monde.

Aujourd’hui donc, le match allait être compliqué ne serait-ce qu’humainement.
Thilelli ne jouait pas, le temps pour elle de résoudre un problème à son pied, et Chiara avait la batterie à plat, ce dont personne n’allait lui tenir rigueur, et venait aider son équipe dans une démonstration touchante d’altruisme.
C’est donc à 7 que l’Eveil allait disputer la rencontre et nos joueuses étaient toutes vêtues de bleu ce samedi. Même si un jour les schtroumpfs sont déchirés au mélange salsepareille-poppers et font une orgie, il y aura moins de bleu. L’Eveil, c’est du Yves Klein, mais qui bouge.
Enfin, les 5 qui allaient débuter le bal étaient Zoé, Thiziri, Hana, Hayam et Amélie, prêtes à batailler.

Hayam prenait l’avantage sur Elsa durant l’entre-deux et l’Eveil prenait son envol grâce à un panier de Zoé.
Hana, Hayam, et encore Zoé se chargeaient d’alourdir la note et nos cadettes menaient 9-0. Cela ne se faisait pas sans mal et Zoé était particulièrement bien surveillée. Elle recevait le même traitement de faveur qu’aurait reçu le sosie d’Henrich Himler s’il passait ses vacances à Tel-Aviv.
Le match était intense, plaisant, engagé, et le Cavigal, particulièrement soutenu par son public venu nombreux, devait reprendre ses esprits.
Ce qui fut le cas par Héloïse, puis Emilie qui rentrait un tir longue distance pour revenir à 9-5 au bout de 4 minutes de jeu.
Chiara faisait sa rentrée et adressait une passe décisive à Hayam pour mener 11-5 puis, coup sur coup, Zoé provoquait 2 fautes de Jodie, sa gardienne attitrée, qui la prenait en défense individuelle et se collait à elle comme une sangsue sur un hémophile. Pour séparer les 2 joueuses, il allait être nécessaire d’utiliser la scie sauteuse.
Et grâce à 2 lancers convertis, nos U18 en étaient à 13-5 quand Hayam loupait le panier du 15-5… Le Cavigal en profitait pour marquer sur la contre-attaque, puis de même sur la suivante, et enfin par Rania qui ramenait nos adversaires à égalité sur le score de 13 partout.
Le reste du quart-temps allait être tendu et une grosse faute était oubliée en faveur de nos joueuses malgré le bruit qui avait claqué les oreilles de tout le monde, exactement comme quand Macron, lors d’un de ses meetings de campagne présidentielle, avait hurlé “parce que c’est notre projet”. Peu importe, la période se terminait par 4 lancers convertis par Amélie puis Zoé.
Fin du quart-temps, l’Eveil l’emportait 17 à 13.

Il eut été bon d’en rester là et passer les fêtes de fin d’année à l’abri avec cette victoire mais on sait que le Père Noël n’existe pas, et qu’il restait 3 quart-temps à jouer.
Le deuxième débutait par une faute d’Hana sur Rania, puis s’ensuivait une flèche oubliée qui donna un avantage supplémentaire à nos adversaires sur un entre-deux, et enfin une perte de balle qui permettait à Rania de rentrer un tir à 3 points pour recoller à 17-16.
Zoé répliquait avec le même tir, un court avantage annulé immédiatement par Flavie qui, comme d’habitude, nous assassinait sur la longue distance. Elle tirait avec un visage calme, sage, on imaginait que sa petite tête d’écolière soit moulée sur tous les gâteaux au chocolat du même nom. Douceur. Et score 20-19.
Elle ne s’arrêtait pas en si bon chemin car après un panier de Rania, elle nous en remettait une couche  et le Cavigal en profitait pour basculer devant à 24-20.
Une nouvelle perte de balle d’Hana, qui allait plus vite que Barbera, offrait un nouveau tir à 3 points à Emilie, qui n’en demandait pas tant, pour mener 27-20.
Ca rentrait tellement bien qu’on se serait cru devant la dernière production d’Ovidie.
Le score allait évoluer en forme de mano à mano avec 2 passes décisives d’Amélie et un panier d’Hana, mais aussi 3 lancers-francs loupés, pour revenir à 31-26.
A cet instant, le Cavigal était touché par la grâce, à l’image de cet improbable panier d’Héloïse qui rentrait alors que ce shoot avait pourtant autant de probabilités de rentrer que de voir Zoé coller un contre à Rudy Gobert.
Quoi qu’il en soit, nous perdions le deuxième round sur le score de 27 à 14 et à la mi-temps, nous étions menés de 9 points à 40-31.

La pause allait faire du bien à nos joueuses déjà fatiguées. Disputer ce match dans une telle tension et une telle intensité laissait des traces.
Et puis, faut-il le rappeler, elles n’étaient que 7 aujourd’hui, et pour Chiara, ça relevait d’une forme d’exploit que de venir jouer dans les conditions personnelles qu’elle venait de traverser.
Pas grand chose à dire, nos cadettes avaient très bien demarré le match, avaient par la suite pêché un peu par précipitation et/ou gourmandise, puis avaient commencé à puiser dans certaines de leurs réserves physiques.
La suite serait certainement compliquée, comme souvent à ce moment du match d’ailleurs, et nous allions le constater.

Pourtant, pendant les 5 minutes qui allaient suivre, elles allaient entretenir une illusion.
Parce que si nos U18 échouaient dans bon nombre de leurs tentatives, elles arrivaient à faire déjouer nos adversaires et limiter la casse.
Zoé se faisait contrer en altitude par Elsa, et Hana marquait un lancer-franc.
1-0 en 5mn, et rien ?… C’est long 5 minutes, long… Surtout avec autant de déchets.
5 minutes, pour une mouche, c’est énorme puisqu’elles vivent 2 semaines. C’est pour ça qu’elles ne se lancent pas dans des projets d’avenir, jamais une mouche ne passera un BTS. Mais pour une joueuse ou un supporter, c’est long. Que cette phase stérile paraissait interminable.
Puis le Cavigal retrouvait quelques couleurs et mettait un peu plus d’énergie dans la conquête du ballon. Par 2 fois, elles réussissaient à attraper 3 rebonds offensifs d’affilée pour finir par marquer.
De notre côté, au rebond défensif, nos filles se faisaient aussi rares qu’un vélib dans Fast & Furious.
Le coaching adverse était sonore, et d’un lyrisme à rendre envieuse Maria Callas, mais il produisait ses effets puisque l’arrière niçoise arrachait un rebond offensif pour scorer et gratter ensuite une balle au sol pour servir sa coéquipière. Depuis que je la connais, cette jeune fille met une énergie et une intensité dans son jeu dont certaines de nos joueuses feraient bien de s’inspirer afin d’améliorer leur combativité.
La période se terminait après une dernière faute d’Hana au rebond, et nous la perdions 16 à 5.
Le retard avait grossi pour atteindre 19 points et nous étions menés 55-36.

Comme on pouvait s’en douter, le coup de mou s’était révélé et avéré, et notre jeu avait disparu, à l’instar du minitel ou de la carrière de Vincent Lagaf.
La reprise pour le dernier quart-temps de l’année 2018 sonnait et de nouveau nos filles souffraient au rebond. Nos adversaires en prenaient encore 3 offensifs pour scorer, c’était aussi effrayant que si Brigitte Macron s’habillait chez Camaïeu.
Plusieurs petits faits de jeu avaient été oubliés le long de cette partie, au-delà des fautes personnelles à proprement parler. Une reprise de dribble ici, un marché par là, un autre était d’ailleurs omis quand nos blanches adversaires en étaient déjà à 62-38.
Le match était plié et Geoffrey décidait de sortir Zoé pour la préserver avant les fêtes de Noël et parce qu’il n’y avait aucun enjeu sur cette partie.
Elle sortait donc sans blessure et, comme une miraculée, elle pouvait citer tous les saints alors que DSK, lui, ne connait que ceux en pommes ou en poires.
Je souriais intérieurement en repensant à un article que j’avais lu la veille dans une rubrique scientifique et dans lequel il était fait mention de la première pile atomique française mise en route le … 15 décembre 1948. Cette pile avait été baptisée … Zoé ! Coïncidence.
Bref. Les dernières minutes allaient s’écouler rapidement et l’écart allait se stabiliser quand, à 2 minutes du terme de la rencontre, alors qu’elle menait de 23 points, Karen allait contester bruyamment une décision arbitrale, alors qu’ils avaient été plutôt bons jusqu’alors. Malgré certains petits oublis pour les 2 équipes, mais rien d’anormal, aucune faute n’avait révélé une quelconque conséquence particulière sur le score final. Elle recevait ainsi une faute technique, ce qui était aussi insensé que Vincent Sanchez, le dernier fan recensé de Kamaro. Néron avait bien incendié sa propre ville, c’était aussi un 15 décembre qu’il s’était suicidé.
Avant de parvenir au terme de la rencontre, Thiziri parvenait à placer un contre, et Hana sa cinquième faute, la dernière, qui la ramenait sur le banc. Pour la punir, la question fut soulevée de la condamner à regarder 24 heures de suite la chaine Public Sénat. Cette décision étant contraire aux Conventions de Genève, elle fut donc annulée.
Ce dernier quart-temps avait été vite plié, et perdu 11 à 8. Le match aussi, conclu sur le score final de 67 à 44 en faveur du Cavigal.

Et voilà, nous y étions. C’était terminé. La phase 1 s’achevait.
Et donc ?
Pourquoi tant d’excitation ?
Le match avait-il été aussi serré qu’un string porté par Laurence Boccolini ?
Non, évidemment. Et au passage, il y eut de bonnes phases de jeu des 2 équipes, des filles concentrées, et de la sportivité à l’image d’Emilie qui relevait Zoé suite à un contact dans le jeu. Ces considérations me semblent tellement plus importantes qu’un résultat en tant que tel, et ce quel qu’il soit.
Le Cavigal finissait 3° de la poule A de la phase 1 du championnat U18 Paca. Voilà.
Ça ne va pas plus loin, et il n’y avait nul besoin de décontextualiser ce match qui n’en est qu’un supplémentaire dans la longue liste de ceux déjà disputés par nos gamines.

Une fois encore, nous n’avions pas gagné de match contre le Cavigal, tout autant que Jo-Wilfried Tsonga n’en a gagné sur les 3 dernières années, mais nos cadettes avaient montré un beau visage, au moins sur la première mi-temps. Après, difficile de répondre à égale intensité face à des joueuses plus aguerries, affûtées. Les grandes comme Emma, Héloïse, et la bondissante Elsa font mal dessous quand on joue sans joueuse dans ce secteur.
Et les petites comme Emilie et Flavie, ou Rania, savent marquer de loin et donc proposer une palette d’atouts assez panachée.

Le travail continue. Il faut apprendre certains aspects du jeu, continuer d’entretenir les fondamentaux, et toujours accompagner les filles durant cette période de leur vie. Il convient de les guider et de leur apprendre à laisser une image positive de ce qu’elles font.
C’est un sujet que nous discutons souvent aux abords des terrains et je me rappelle en décembre l’année dernière, du côté de Brignoles où nous jouions un match en retard du championnat U15, que c’est un avis partagé par de nombreux coachs. Ce qui me permet de saluer au passage David Tranchant pour ses lectures régulières et ces échanges post-matches toujours intéressants.

Bref, ce début de championnat s’achevait, et il était temps d’envisager les vacances de Noël avec plaisir, joie, sérénité. Le basket, ça use, c’est épuisant. Quand j’ai commencé le basket, j’avais les mêmes dreadlocks que mon ami Miko, mais après quelques années, ma coupe de cheveux a dû quelque peu évoluer !

Alors avant de vous laisser pour passer un Joyeux Noël et de Bonnes Fêtes de la Saint-Sylvestre, et de vous laisser regarder quelques photos, je souhaitais dire :

Merci à Roquebrune qui nous a fait progresser,
Merci à Carros qui nous a respectés,
Merci au Cavigal qui nous pousse à nous surpasser,
Merci à Monaco de nous avoir résisté,

Puisse la suite de votre championnat se dérouler dans le plaisir et le succès.

Merci au basket, aux basketteuses, aux coachs, aux bénévoles, à tous ceux qui font que la passion perdure, même quand c’est dur.

Et repose en paix Michèle, A chì campa n’ha da veda.

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